lundi, novembre 06, 2006

Libération de détenus politiques

A l'occasion du sinistre anniversaire de sa prise de pouvoir, Z. Ben Ali vient d'accorder sa "grace" à quelques dizaines de détenus politiques.
A chacun des détenus libérés et à sa famille j'adresse mes félicitations et ... alf mabrouk.
Le soulagement et la joie, légitimes en l'occurence, ne sauraient nous faire oublier le caractère partiel et conditionnel de ces libération qui restent le fait du Prince.

Dans une déclaration à PDP.info, H. Ellouz, ex-président de Nahdha, a indiqué à sa sortie de prison que 11 de ses co-détenus dont Sadok CHOUROU, Abdelkrim HAROUNI et Med Kaloui, ont bénéficié d'un allégement de leur peine mais restent emprisonnés.
وأفاد اللوز أن أحد عشر قياديا آخرين كانوا معه في السجن نفسه أشعروا بخفض الأحكام الصادرة عليهم لكن لم يُفرج عنهم ومن بينهم الدكتور الصادق شورو أحد الذين تولوا رئاسة الحركة في مطلع التسعينات وعبد الكريم الهاروني الأمين العام السابق للإتحاد العام التونسي للطلبة ومحمد القلوي

Au total, Nahdha.net fait état pour le moment d'une liste de 54 noms. La voici en français, d'après la source en arabe.


Prison Mornaguia
Abdallah Messaoudi
Anouar Billaeh
Hatem Zarrouk
Habib Ellouz
Mohammed Akrout

Prison Missiddine
Abderrazek Mezgrichou
Abderraouf Badaoui
Jamel Mkhimini
Lotfi Karaoui
Nassreddine Iyed
Habib Abdejellil
Khaled Abdejellil
Abdelwaheb Hammami
Nabil Fkih

Prison Mahdia
Ramzi Khalsi
Mohammed Ayadi
Sami Nouri
Zouheir Ben Hcine
Abdelhafidh Ben Khalifa

Prison Nadhour
Hammadi Abdelmlak
Abdallah Drissa
Fawzi Tlili
Farid Rezki
Mohammed Hedi Yahyaoui
Maatoug Lair
Ali Mohammed Jouani

Prison Borj Erroumi
Nabil Nouri
Fayçal Mehadhbi
Ali Godhbane
Hechmi Bekir
Mohsen Jouini
Khaled Drissi
Adel Ben Amor
Habib Sassi
Chedli Mahfoud
Dhafer Zallazi
Fawzi Amdouni
Lotfi Najjar
Lotfi Jberi

Prison Borj Amri
Chokri Ayari
Mounir Rezgui Chargui
Abdelhamid Naghmouchi
Sadok Arfaoui
Lotfi Jebali
Mohammed Cherich
Noureddine Brahem
Mohieddine Ferjani
Abderraouf Tounkti

Prison Silyana
Hammadi Abidi

Prison Sfax
Mohammed Trabelsi
Habib Idriss
Mohammed Mssedi

Prison Gabes
Ali Oun

Prison Le Kef
Fethi Ouerghi
Nabil Ben Yahmed

mardi, octobre 31, 2006

Amnistie générale de tous les détenus et les exilés politiques !

<< ... Tout ce qu’il y a à faire, il faut le condenser sur la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers de la dictature, la levée de toutes les tracasseries sur les persécutés, le droit au retour paisible des exilés, parce que là se croisent tous les ressorts symboliques des rapports de forces. C’est par là que la lutte démocratique imposera et sa réalité et la reconnaissance de ses acteurs au régime, en prélude à sa chute. Par là aussi que l’étranger comprendra, les cas échéant, que nous méritons sa solidarité, mais que nous n’avons nul besoin ni de sa bienfaisance ni de sa tutelle… >>

Plus de deux ans et demi après, je persiste et signe cette conclusion d'un texte de mars 2004, consultable ici.



Libellés :


Bravo Sami !

Merci à Sami Ben Gharbia de nous offrir un petit moment de fierté et de satisfaction quelque peu apaisantes, en ces temps de vaches maigres, de voir le talent et les compétences tunisiennes agissantes dans la cyberdissidence reconnus et consacrés parmi les meilleures au monde. La censure de la dictature, l'exclusion et la discrimination politique d'une certaine "blogosphère tunisienne", n'en sont que plus lamentables.

, le blog de Sami vient d'être désigné, en effet :

"2 fois, par le jury du BOBS-Awards 2006, parmi les 10 meilleurs blogs dans les catégories :

Prix Reporters sans Frontières

Et

Parmi les 10 Meilleurs blogs Arabes

Le concours international de blogs "The BOBs - Best of the Blogs" de la Deutsche Welle entre dans sa phase finale. Plus de 5.500 blogs répartis en 15 catégories ont été proposés. Dix candidats ont été désignés dans chaque catégorie pour concourir en finale.
Le 10 novembre, le jury international des BOBs se réunit à Berlin pour désigner ses lauréats.
Du 23 octobre au 11 novembre, 150 blogs répartis dans 15 catégories se livrent au vote des internautes."

Bravo, et félicitations à Sami.

Votons pour Sami !






mercredi, juin 01, 2005

Justice tunisienne : un front de lutte et des enjeux décisifs

Signez le livre de la solidarité avec Me Mohammed Abbou *





A l’instant où l’hymne national tunisien (écouter) a retenti pour saluer l’arrivée du prévenu en état d’arrestation, Me Mohammed Abbou, dans la salle d’audience où se tenait son procès le 28 avril 2005, on n’aurait pas dit que ce qui se jouait dans ce tribunal, encerclé de l’extérieur et envahi à l’intérieur par des centaines de flics en tous genres, était seulement la liberté d’un avocat, ni même celle des avocats. Du contexte et de l’arrière-plan de ce procès surgissaient la charge des frustrations face la souveraineté populaire confisquée, des libertés collectives et individuelles déniées, des richesses du pays volées, de sa dignité nationale bafouée… , par un despotisme intérieur qui n’aura fait que substituer à la tutelle du colonialisme celle d’un parti unique colonisant les structures de l’administration de l’Etat, et aliénant ses fonctions au profit de clans familiaux aux appétits mafieux. Au regard des humiliations, des injustices et des attentes déçues de 50 ans d’indépendance plus ou moins trahie, l‘hymne national, repris à plusieurs reprises devant, au sein du palais de justice et jusque dans la salle d’audience à la face d’un juge sans honneur, résonne comme une revendication radicale de libération nationale. A ce moment là, il était tangible que loin d’être ce troisième pouvoir arbitral et séparé des autres pour protéger les droits et les libertés individuelles et publiques conformément à la loi, la justice était au contraire le bras judiciaire du pouvoir exécutif, un appendice voué à couvrir les flagrantes violations de la loi et des procédures, et à légitimer du sceau de l’autorité judiciaire l’absolu arbitraire de la police politique.

Au total, ce que la dictature ne tolère pas, ne pardonne pas, ce n’est pas tant la contestation plaintive par l’opposition droit-de-l’hommiste de l’asservissement de la justice : Il y a longtemps que le régime a intégré cette opposition quémandeuse dans son dispositif au point de s’en prévaloir comme preuve de son « ouverture démocratique ». Non, ce que la dictature ne peut pas et ne veut pas laisser passer, surtout pas dans le champ de la justice, c’est la résistance active de gens du métier qui prétendent, en situation, prendre leurs droits et exercer leurs attributions, sans plus attendre d’y être autorisés ni craindre d’en être sanctionnés. Et pour une dictature « éclairée », cela est insupportable, inconcevable même. D’abord parce que, en portant les valeurs d’une justice indépendante, et en se prévalant du droit tel que formalisé par la loi, la combativité des avocats démystifie la façade légitimante que la justice de la dictature se donne, et en grippe les ressorts pratiquement et moralement.. Ensuite, parce que cette combativité, qui tranche avec les postures de sollicitation et la culture de la dépendance de l’intervention de l’étranger et de son argent, s’articule à des mots d’ordre qui restituent à l’exigence démocratique sa vraie dimension politique et émancipatrice. D'une certaine manière, les avocats réhabilitent le sens et la teneur du combat démocratique, sens et teneur que la thématique plus intéressée que militante des « droits humains », dans certaines pratiques, d’une part, et l’illusion tenace de la voix électorale d’autre part, ont fini par corrompre et scléroser. Au fond, les avocats en lutte nous offrent une autre idée, une autre pratique de la politique : généreuses, unitaires, militantes, transparentes, de terrain..., à la mesure et en cohérence avec ses visées démocratiques. Car si leur mouvement est le fait catégoriel d’une profession, sa portée et ses implications sont, elles, générales et citoyennes, c’est-à-dire politiques, pour des raisons subjectives relatives à une tradition militante et progressiste dans leurs rangs, du fait peut-être de leur vocation de défenseurs du Droit , et aussi objectives liées à la nature et au statut de leur métier qui en font des acteurs impliqués dans le système judiciaire.

يا محمد لا تهتم.. الحرية تفدى بالدم
شعب تونس شعب أحرار لا يقبل شارون الجزار
محام حر.. حرّ والقضاء مستقل
محاماة حرة حرة والبوليس على بره.. فلا عاش في تونس من خانها ولا عاش من ليس من جندها

ces slogans et mots d’ordre, parmi d'autres, inscrivent le mouvement des avocat dans une confrontation qui constitue sans doute, en l’état, une vraie -et peut-être la seule- opposition politique effective à la dictature. Et du reste, celle-ci ne s’y trompe pas, dont l’intolérance répressive et agressive à l’encontre des avocats en lutte contraste significativement avec sa tolérance, toute relative qu'elle soit, à l’endroit de l’opposition médiatique et institutionnelle.

J’en viens donc, après et avec tant d’autres, à saluer et à reconnaître dans le mouvement des avocats des portes paroles de nos aspirations les plus partagées à l’émancipation et à la dignité nationale, et des résistants à l’avant garde de ce que peut être une dynamique militante et efficiente de lutte contre la dictature. Il y a en effet dans le mouvement des avocats de ce printemps 2005 quelque chose d’exemplaire qui rayonne sur l’opposition tunisienne. Non seulement il aura achevé de réanimer une scène politique non encore remise du coup de massue des dernières élections présidentielle, mais il agit comme une force tonique qui stimule et inspire. Et rien que pour cela, et quelle qu’en soit l’issue, il compte d’ores et déjà pour un acquis, sans doute des plus importants, en ce qu’il donne à la résistance démocratique un souffle de vie qui la rend visible et opérante.

Certes, le régime dispose, peut être dans la magistrature plus qu’ailleurs, de loyautés inconditionnelles. Et certes, les magistrats, traditionnellement légitimistes et quelque peu conservateurs, n’ont pas grand-chose de la fougue frondeuse des avocats, pas plus que n’y a cours le profil, somme toute exceptionnel par tant de courage et de probité, de leur pair : le juge rebelle Mokhtar Yahyaoui. Mais il est injuste de projeter sur toute la magistrature le déshonneur et la servilité qui collent en propre aux fronts de ceux là seuls en son sein qui, pontes du système, larbins de service et juges aux ordres, ont vendu leur âme. Les magistrats ne sont pas des suppôts, ni même des agents privilégiés de la dictature, loin s’en faut. Un ami, juriste, m’apprenait qu’en 1988 déjà, le Tribunal correctionnel de Kairouan, confirmé par la Cour d’appel de Sousse, avaient osé reconnaitre au juge une compétence en matière de contrôle de la constitutionnalité des lois, à l’occasion de l’examen du décret présidentiel instituant le Conseil consultatif ; compétence que la Cour de cassation s’est empressée de nier, brisant tout net l‘autorité d’une justice indépendante de l’exécutif.

Plus près de nous, et sur un plan plus politique, sait-on, par exemple, qu’en juillet 2004, l’ATM, l’association professionnelle des magistrats, s’est vue interdire, physiquement, par la police, l’organisation d’une conférence de presse sur les conditions dégradées d’exercice de la magistrature ? A t-on suffisamment prêté attention à la tenue, à la mi-décembre 2004, du 10ème congrès de la même ATM ? Des banderoles y affichaient : « il n'y a pas de démocratie sans pouvoir judiciaire indépendant », « une magistrature indépendante est le miroir d'une société démocratique ; et des revendications y étaient formulées et consignées relativement, entre autres, à leurs conditions de promotion et de mobilité professionnelles, à la reconnaissance du statut de la justice comme pouvoir indépendant de l’exécutif, à l’organisation actuelle du Conseil Supérieur de la Magistrature, que les magistrats veulent plus démocratique sachant que seuls deux de ses membres sont élus par leurs pairs... ? Faut-il rappeler que les magistrats sont sortis de leur réserve pour dénoncer publiquement, toujours par la voix de la même ATM, l’invasion policière du palais de justice de Tunis, et dire leur solidarités avec les avocats qui en étaient brutalement expulsés à l’occasion de leur rassemblement devant le bureau du juge d’instruction en charge du dossier de Mohammed Abbou…

Autant dire que les magistrats intègres ont droit à notre soutien, d’autant que l’éclairage de ces rappels fait apparaître que le communiqué du Conseil Supérieur de la Magistrature du 03 mai 2005, sommant « tous les magistrats, quels que soit leur rang » de faire plier les avocats, en prenant « toutes les mesures qui s’imposent en vue de maintenir l’ordre et le calme dans les salles d’audience et les bureaux d’instruction » [3], était aussi et d’abord un avertissement mettant les magistrats eux-mêmes en garde contre toute manifestation contestataire de l’instrumentalisation de la justice ou solidaire des avocats. A l’évidence, ce communiqué dénote l’embarras d’un régime incapable de traiter les problèmes autrement qu’en ajoutant l’intimidation à l’intimidation et la répression à la répression, au point de provoquer l’irritation diplomatique de moins en moins discrète de ses habituels soutiens américains et européens

Finalement, ce que le mouvement des avocats nous apprend, dans et par l’épreuve des faits, c’est que le front de la justice, et l’enjeu de son indépendance au seul service de la loi, sont des questions stratégiques clés dans un plan d’opposition efficace à la dictature.
C’est à juste titre qu’on a pu dire qu’avec le mouvement des avocats nous vivons un moment décisif, au sens où son issue peut conduire à deux extrêmes : soit il aboutit à un gain sensible de démocratie qui affaiblira d’autant la dictature, soit la dictature aura raison du mouvement et fermera les volets d’une répression encore plus féroce sur tout le mouvement démocratique. Et il n'y a guère qu'une grosse manœuvre tactique ou de diversion pour atténuer cette logique implacable et aménager une sortie douce qui sauve l'essentiel pour la dictature en sauvant le statut quo, sans rien concéder de significatif sur l'essentiel pour la résistance démocratique. C'est du moins ce qu'on peut légitimement craindre à voir surgir, par exemple, quasiment en marge de la bataille sur le front de la justice, pour ne pas dire sur son compte, certains appels à une réconciliation nationale d'autant plus douteuse qu'elle réduit la réconciliation à une reconnaissance mutuelle entre certains islamistes de Nahdha et ce qu'ils appellent "l'autorité de tutelle"... Raison de plus pour souligner la nécessité d'une juste conscience des enjeux en cours. Car s’il est une responsabilité et une solidarité requises dans la situation présente, c’est bien sous cette forme de prise de conscience qu’elles doivent se manifester, en pensée et en action. Au delà des déclarations sympathisantes, il s’agit de penser la part de nous-mêmes et de reconnaitre la part de nos propres aspirations démocratiques qui se trouvent engagées dans les enjeux politiques du combat des avocats sur le front de la justice. Et, s’y reconnaissant, de développer un courant d’opinion et des modalités de luttes solidaires à même de peser sur le rapport des forces dans le sens d’une libération, fut-elle relative, de la justice de l’emprise despotique. Même relative, une telle libération engagerait le processus de conquête de nos libertés démocratiques dans une voie pérenne. Faute de quoi, c’est la dictature qui - les démissions, les sectarismes, les calculs politicards, les « solidarités » mesurées, les égocentrismes aidant - nous accablera de plus belle et pour longtemps encore.

Il ne tient donc qu’à l’engagement de toutes les forces démocratiques et patriotiques, à leur conscience des enjeux du moment et à leur sens des responsabilités, -toutes choses subjectives finalement- de faire en sorte pour qu’il en soit autrement, pour que sonne le temps enfin venu de notre liberté et de notre dignité recouvrées. Moyennant la qualité subjective de l’engagement volontariste et cohésif, ça peut changer, oui ! Car la situation objective, quant à elle, s’y prête. Situation objective ou, pour mieux dire en empruntant à Lénine, « conjoncture », c’est-à-dire une conjonction d’éléments contextuels qui forment à un instant t, qu’il s’agit de ne pas rater, une configuration favorable à un objectif donné : une opportunité...

Rappelons, de ce point de vue, que le mouvement des avocats intervient

- dans une scène politique tunisienne soumise à l’observation des USA et de l’Europe et, surtout, à « la surveillence » d’ONG internationales manifestement résolues, à la faveur et dans la perspective de la tenue en novembre 2005 du Sommet Mondial de la Société d’Information en Tunisie, à contraindre le régime à de sensibles améliorations de l’état des libertés, à commencer par la liberté d’expression et l’amnistie des détenus politiques
- dans le prolongement du surplus de colère et de rancœurs ajoutés aux humiliations accumulées, du fait du principe même de l’invitation du premier sioniste autant que de la répression des manifestations populaires qui s’y sont opposées
- sur fond d'inégalités et d'injustices sociales qui aiguisent les frustrations ; de problèmes économiques et de difficultés à vivre aggravés par la menace d’une récession perceptible à l’horizon

Dans ce contexte, ponctué de manifestations de colère, de grèves de la faim, de luttes syndicales, de revendications démocratiques.. ; et vu l’état présent des forces, le front de la justice prend une importance décisive. Non pas bien évidemment au sens, ridicule, d’une classification hiérarchisant les luttes, ni au sens encore plus ridicule d’une réduction desdites luttes à un front exclusif dont on attendrait en spectateurs qu’il aboutisse ; tout au contraire, un front décisif incite et stimule l’activation d’autres fronts, et requiert à tout le moins l’intervention solidaire. Dire qu'il est décisif s’entend ici au sens stratégique que lui confèrent, objectivement, ses particularités. Il faut voir en effet que les mots d’ordre de la résistance sur le front de la justice agrégent, en les dynamisant, les exigences de liberté et de dignité de toutes les forces vives du pays. Et s’il en est ainsi c’est que l’enjeu de lutte sur ce front de la justice est, à travers le mot d’ordre d’une justice indépendante, le Droit qui fonde tous les droits et les institutions légitimes de l’Etat de droit, et disqualifie, en retour, l’arbitraire et l’imposture illégitimes de l’Etat-Parti. Plus les acteurs du système judiciaire résistent à l’injonction tutélaire et partisane de l’Etat-Parti, moins le régime peut instrumenter la justice pour légitimer ses forfaitures, et plus il est acculé à étaler sa nature dictatoriale à travers un durcissement des mesures répressives et des manifestations de force qui frisent l’absurde. En fait de « force », c’est l’affolement qui s’affiche, dans une fuite en avant qui enfonce un peu plus le régime dans une crise de légitimité telle qu’elle peut lui être fatale. C’est en cela aussi que le moment est décisif : en ce qu’il est finalement une chance pour engager et s’engager dans un processus irréversible de conquête de nos libertés démocratiques.

...............................

* Slogans du mouvement des avocats tunisiens et citations extraites du livre d'or de Me Mohammed Abbou mis en ligne par le CPR

[1] voir de plus larges extraits du texte de Me Abbou, et un récapitulatif de l'affaire, dans l'article hommage et soutien à Me Mohammed Abbou dans ce blog
[2]
عميد المحامين: أيام حالكة ولكن المحاماة ستنتصر
[3]
Le Conseil supérieur de la magistrature met en garde contre les pratiques visant à entraver la bonne marche de la justice, La Presse du 4 mai 2005


samedi, avril 02, 2005

Coup de coeur : "L'éthique", un petit livre de Alain Badiou

L'éthique
Essai sur la conscience du Mal

Alain Badiou


Hatier, 1993
18 x 13 cm, 80 pages




2. Les fondements de l'éthique des droits

La référence explicite de cette orientation, dans le corpus de la philosophie classique, est Kant 2. Le moment actuel est celui d'un vaste a retour à Kant », dont à vrai dire les détails et la diversité sont labyrinthiques. Je n'aurai ici en vue que la doctrine « moyenne ».

Ce qui est essentiellement retenu de Kant (ou d'une image de Kant, ou mieux encore des théoriciens du « droit naturel ») est qu'il existe des exigences impératives, formellement représentables, et qui n'ont pas à être subordonnées à des considérations empiriques, ou à des examens de situation ; que ces impératifs touchent aux cas d'offense, de crime, de Mal ; on ajoute à cela qu'un droit, national et international, doit les sanctionner ; que par conséquent les gouvernements sont tenus de faire figurer dans leur législation ces impératifs, et de leur donner toute la réalité qu'ils exigent ; que sinon, on est fondé à les y contraindre (droit d'ingérence humanitaire, ou droit d'ingérence du droit).

L’éthique est ici conçue à la fois comme capacité a priori à distinguer le Mal (car dans l'usage moderne de l'éthique, le Mal - ou le négatif - sont premiers : on suppose un consensus sur ce qui est barbare), et comme principe ultime du jugement, en particulier du jugement politique : est bien ce qui intervient visiblement contre un Mal identifiable a priori. Le droit lui-même est d'abord le droit « contre » le Mal. Si l'« État de droit » est requis, c'est que lui seul autorise un espace d'identification du Mal (c'est la « liberté d'opinion », qui, dans la vision éthique, est d'abord liberté de désigner le Mal), et donne les moyens d'arbitrer quand la chose n'est pas claire (appareil de précautions judiciaires).

Les présupposés de ce noyau de convictions sont clairs :

1) On suppose un sujet humain général, tel que ce que lui arrive de mal soit identifiable universellement (bien que cette universalité soit souvent appelé, d’un nom tout à fait paradoxal, « opinion publique »), en sorte que ce sujet est à la fois un sujet passif, ou pathétique, ou réfléchissant : celui qui souffre ; et un sujet de jugement, ou actif, ou détermi nant : celui qui, identifiant la souffrance, sait qu'il faut la faire cesser par tous les moyens disponibles.

2) La politique est subordonnée à l'éthique, du seul point qui importe vraiment dans cette vision des choses : le jugement, compatissant et indigné, du spectateur des circonstances.

3) Le Mal est ce à partir de quoi se dispose le Bien, et non l'inverse.

4) Les a droits de l'homme » sont des droits au non-Mal : n'être offensé et maltraité ni dans sa vie (horreur du meurtre et de l'exécution), ni dans son corps (horreur de la torture, des sévices et de la famine), ni dans son identité culturelle (horreur de l'humiliation des femmes, des minorités, etc.)

La force de cette doctrine est, de prime abord, son évidence. On sait en effet d'expérience que la souffrance se voit. Déjà les théoriciens du xv11` siècle avaient fait de la pitié - identification à la souffrance du vivant - le principal ressort du rapport à autrui. Que la corruption, l'indifférence ou la cruauté des dirigeants politiques soient les causes majeures de leur discrédit, les théoriciens grecs de la tyrannie le notaient déjà. Qu'il soit plus aisé de constituer un consen­sus sur ce qui est mal que sur ce qui est bien, les églises en ont fait l'expérience : il leur a toujours été plus facile d'indiquer ce qu'il ne fallait pas faire, voire de se contenter de ces abstinences, que de débrouiller ce qu'il fallait faire. Il est en outre certain que toute politique digne de ce nom trouve son point de départ dans la représentation que se font les gens de leur vie et de leurs droits.

On pourrait donc dire : voilà un corps d'évidences capable de cimenter un consensus planétaire, et de se donner la force de son imposition.

Et pourtant, il faut soutenir qu'il n'en est rien, que cette a éthique » est inconsistante, et que la réalité, parfaitement visible, est le déchaînement des égoïsmes, la disparition ou l'extrême précarité des politiques d'émancipation, la multi­plication des violences « ethniques », et l'universalité de la concurrence sauvage.

3. L'homme: animal vivant, ou singularité immortelle ?

Le coeur de la question est la supposition d'un Sujet humain universel, capable d'ordonner l'éthique aux droits de l'homme et aux actions humanitaires.

Nous avons vu que l'éthique subordonne l'identification de ce sujet à l'universelle reconnaissance du mal qui lui est fait. L’éthique définit donc l'homme comme une victime. On dira : « Mais non ! Vous oubliez le sujet actif, celui qui inter­vient contre la barbarie ! » Soyons précis en effet : l’homme est ce gui est capable de se reconnaître soi-même comme victime.

C'est cette définition qu'il faut déclarer inacceptable. Et cela pour trois raisons principales.

1) Tout d'abord, parce que l'état de victime, de bête souf­frante, de mourant décharné, assimile l'homme à sa sub­structure animale, à sa pure et simple identité de vivant (la vie, comme le dit Bichat 3, n'est que a l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort »). Certes, l'humanité est une espèce animale. Elle est mortelle et prédatrice. Mais ni l'un ni l'autre de ces rôles ne peuvent la singulariser dans le monde du vivant. En tant que bourreau, l'homme est une abjection animale, mais il faut avoir le courage de dire qu'en tant que victime, il ne vaut en général pas mieux. Tous les récits de torturés" et de rescapés l'indiquent avec force : si les bourreaux et bureaucrates des cachots et des camps peuvent traiter leurs victimes comme des animaux promis à l'abat­:air, et avec lesquels eux, les criminels bien nourris, n'ont rien de commun, c'est que les victimes sont bel et bien deve­nues de tels animaux. On a fait ce qu'il fallait pour ça. Que certaines cependant soient encore des hommes, et en témoi­gnent, est un fait avéré. Mais justement, c'est toujours par un effort inouï, salué par ses témoins - qu'il éveille à une reconnaissance radieuse - comme une résistance presque incompréhensible, en eux, de ce qui ne coincide pas avec l’identité de victime. Là est l'Homme, si on tient à le penser : dans ce qui fait, comme le dit Varlam Chalamov dans ses Récits de la vie des camps', qu'il s'agit d'une bête autrement résistante que les chevaux, non par son corps fragile, mais par son obstination à demeurer ce qu'il est, c'est-à-dire, précisément, autre chose qu'une victime, autre chose qu'un être-pour-la-mort, et donc : autre chose qu'un mortel.

Un immortel : voilà ce que les pires situations qui puissent lui être infligées démontrent qu'est l'Homme, pour autant qu'il se singularise dans le flot multiforme et rapace de la vie. Pour penser quoi que ce soit concernant l'Homme, c'est de là qu'il faut partir. En sorte que s'il existe des « droits de l'homme », ce ne sont sûrement pas des droits de la vie contre la mort, ou des droits de la survie contre la misère. Ce sont les droits de l'Immortel, s'affirmant pour eux-mêmes, ou les droits de l'Infini exerçant leur souveraineté sur la contingence de la souffrance et de la mort. Qu'à la fin nous mourrions tous et qu'il n'y ait que poussière ne change rien à l'identité de l'Homme comme immortel, dans l'instant où il affirme ce qu'il est au rebours du vouloir-être-un-­animal auquel la circonstance l'expose. Et chaque homme, on le sait, imprévisiblement, est capable d'être cet immortel, dans de grandes ou de petites circonstances, pour une importante ou secondaire vérité, peu importe. Dans tous les cas, la subjectivation est immortelle, et fait l'Homme. En dehors de quoi existe une espèce biologique, un « bipède sans plumes » dont le charme n'est pas évident.

Si on ne part pas de là (ce qui se dit, très simplement : l'Homme pense, l'Homme est tissé de quelques vérités), si on identifie l'Homme à sa pure réalité de vivant, on en vient inévitablement au contraire réel de ce que le principe semble indiquer. Car ce « vivant » est en réalité méprisable> et on le méprisera. Qui ne voit que dans les expéditions humani­taires, les ingérences, les débarquements de légionnaires caritatifs, le supposé Sujet universel est scindé ? Du côté des victimes, l'animal hagard qu'on expose sur l'écran. Du côté du bienfaiteur, la conscience et l'impératif. Et pourquoi cette scission met-elle toujours les mêmes dans les mêmes rôles ? Qui ne sent que cette éthique penchée sur la misère du monde cache, derrière son Homme-victime, l'Homme-bon, l'Homme-blanc ? Comme la barbarie de la situation n'est réfléchie qu'en termes de « droits de l'homme », - alors qu'il s'agit toujours d'une situation politique, appelant une pensée­-pratique politique, et dont il y a sur place, toujours, d'au­thentiques acteurs -, elle est perçue, du haut de notre paix civile apparente, comme l'incivilisée qui exige du civilisé une intervention civilisatrice. Or, toute intervention au nom de la civilisation exige un mépris premier de la situation toute entière, victimes comprises. Et c'est pourquoi l'« éthique » est contemporaine, après des décennies de courageuses cri­tiques du colonialisme et de l'impérialisme, d'une sordide auto-satisfaction des « Occidentaux », de la thèse martelée selon laquelle la misère du tiers-monde est le résultat de son impéritie, de sa propre inanité, bref: de sa sous-humanité.

2) Deuxièmement, parce que si le « consensus » éthique se fonde sur la reconnaissance du Mal, il en résulte que toute tentative de rassembler les hommes autour d'une idée positive du Bien, et plus encore d'identifier l'Homme par un tel projet, est en réalité la véritable source du mal lui-même. C’est ce qu'on nous inculque depuis maintenant quinze ans : tout projet de révolution, qualifié d'« utopique », tourne, nous dit-on, au cauchemar totalitaire. Toute volonté d'inscrire une idée de la justice ou de l'égalité tourne au pire. Toute volonté collective du Bien fait le Mal 6.

Or, cette sophistique est dévastatrice. Car s'il ne s'agit que de taire valoir, contre un Mal reconnu a priori, l'engagement éthique, d'où procédera qu'on envisage une transformation quelconque de ce qui est ? Où l'homme puisera-t-il la force d'être l'immortel qu'il est ? Quel sera le destin de la pensée, dont on sait bien qu'elle est invention affirmative, ou qu’elle n’est pas ? En réalité, le prix payé par l'éthique est conservatisme épais. La conception éthique de l'homme, outre qu’elle est en fin de compte soit biologique (images des victimes), soit « occidentale » (contentement du bienfaiteur armé), interdit toute vision positive large des possibles. Ce qui nous est ici vanté, ce que l'éthique légitime, est en réalité la conservation, par le prétendu « Occident », de ce qu'il possède. C'est assise sur cette possession (possession matérielle, mais aussi possession de son être) que l'éthique détermine le Mal comme, d'une certaine manière, ce qui n'est pas ce dont elle jouit. Or l'Homme, comme immortel, se soutient de l'incalculable et de l’impossédé. Il se soutient du non-étant. Prétendre lui interdire de se représenter le Bien, d'y ordonner ses pouvoirs collectifs, de travailler à l'avènement de possibles insoupçonnés, de penser ce qui peut être, en rupture radicale avec ce qui est, c'est lui interdire, tout simplement, l'humanité elle-même.

3) Enfin, par sa détermination négative et a priori du Mal l'éthique s'interdit de penser la singularité des situations, ce qui est le début obligé de toute action proprement humaine. Ainsi, le médecin rallié à l'idéologie « éthique » méditera en réunion et commission toutes sortes de considérations sur « les malades », considérés exactement comme l'est, par le partisan des droits de l'homme, la foule indistincte des vic­times : totalité « humaine » de réels sous-hommes. Mais le même médecin ne verra nul inconvénient à ce que cette per­sonne ne soit pas soignée à l'hôpital, et avec tous les moyens nécessaires, parce qu'elle est sans papiers, ou non immatricu­lée à la Sécurité sociale. Responsabilité « collective », encore une fois, oblige ! Ce qui est ici raturé, c'est qu'il n'y a qu'une seule situation médicale : la situation clinique', et qu'il n'y a besoin de nulle « éthique » (mais seulement d'une vision claire de cette situation) pour savoir qu'en la circonstance le médecin n'est médecin que s'il traite la situation sous la règle possible maximal : soigner cette personne qui le lui demande (pas d'ingérence, ici !) jusqu'au bout, avec tout ce I sait, tous les moyens dont il sait qu'ils existent, et ~ rien considérer d'autre. Et si on veut lui interdire de net pour cause de budget de l'Etat, de statistique de la morbidité ou de lois sur les flux migratoires, qu'on lui envoie la gendarmerie ! Encore son strict devoir hippocratique serait-il de lui tirer dessus. Les « commissions d'éthique » et autres ruminations sur les « dépenses de santé » et la a responsabilité gestionnaire », étant radicalement extérieures à i’unique situation proprement médicale, ne peuvent en réalité qu'interdire qu'on lui soit fidèle. Car lui être fidèle voudrait dire : traiter le possible de cette situation jusqu’au bout. Ou, si l'on veut, faire advenir, dans la mesure du possible, ce que cette situation contient d'humanité affirmative, soit : tenter d'être l'immortel de cette situation.

En fait, la médecine bureaucratique sous idéologie éthique a besoin « des malades » comme victimes indistinctes ou statistiques, mais est rapidement encombrée par toute situation effective et singulière de demande. De là que la médecine « gestionnaire », « responsable » et « éthique » ,en est réduite à l'abjection de décider quels malades le « système de santé français » peut soigner, et lesquels il doit renvoyer puisque le Budget et l'opinion l'exigent, mourir dans les faubourgs de Kinshasa.

4. Quelques principes

Il faut rejeter le dispositif idéologique de l'« éthique », ne rien concéder à la définition négative et victimaire de l’homme. Ce dispositif identifie l'homme à un simple animal mortel,­ il est le symptôme d'un inquiétant conserva­tisme, et, par sa généralité abstraite et statistique, interdit de penser la singularité des situations.

On lui opposera trois thèses :

- Thèse 1 : L’Homme s'identifie par sa pensée affirmative, par les vérités singulières dont il est capable, par l'Immortel qui fait de lui le plus résistant et le plus paradoxal des ani­maux.

- Thèse 2 : C'est à partir de la capacité positive au Bien, donc au traitement élargi des possibles et au refus du conser­vatisme, fût-il la conservation de l'être, qu'on détermine le Mal, et non inversement.

- Thèse 3 : Toute humanité s'enracine dans l'identification en pensée de situations singulières. II n'y a pas d'éthique en général. Il n'y a - éventuellement - qu'éthique de processus par lesquels on traite les possibles d'une situation ………………

[ pages 10 à 18]


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2. Kant, fondement de la métaphysique des mœurs
3. Médecin, anatomiste et physiologiste français du xvme siècle.
4. Henri Alleg, La Question, 1958. II n'est pas mauvais de se référer à des épisodes de torture bien de chez nous, systématiquement organisés par l'armée française entre 1954 et 1962.
5. Varlam Chalamov, Kolyma. Récits de la vie des camps, Maspéro­-La Découverte, 1980. Ce livre, proprement admirable, donne forme d’art à l’éthique vraie
6. André Glucksmann, Les Maîtres Penseurs, Grasset, 1977. Glucksmann est celui qui a le plus insisté sur la priorité absolue de la conscience du Mal, et sur l’idée que le primat catastrophique du Bien était une création de la philosophie. L'idéologie « éthique » a ainsi une part de ses racines chez les «nouveaux philosophes » de la fin des années
7. Cécile Winter, Qu'en est-il de l'historicité actuelle de la clinique ? (à partir d'une méditation de Foucault). A paraître. Ce texte mani­feste, de la façon la plus rigoureuse qui soit, la volonté pensante de reformuler, dans les conditions actuelles de la médecine, l'exigence clinique comme seul référent.


dimanche, mars 20, 2005

Hommage et soutien à Me Mohammed ABBOU

Par nawaat.org

C'est avec des hommes et des femmes de la trempe et de la sincérité de Mohammed ABBOU que la résistance démocratique se construit d'authentiques icones et ses propres référents.

L'avocat Mohammed ABBOU, militant des droits de l'Homme et membre dirigeant du Congrès pour la République, a été arrêté ou, faut-il dire plus exactement, enlevé le 1er mars 2005 dans la nuit. Selon les faits, dénoncés par un communiqué du Conseil National des Libertés, le 2 au matin, le ministère de la justice et le procureur de la république disaient tout ignorer de son sort. Et puis voilà qu'en fin de matinée, un juge d'instruction, celui-là même qui quelques heures plus tôt affirmait au Batonnier ne rien savoir, lui non plus, se déclarait en charge du dossier! Entre temps, un certain Faouzi Sassi, ce juge s'est à l'évidence mis au service de la police politique pour en couvrir les pratiques arbitraires, en commettant une suite de falsifications, dont la délivrance d'une commission rogatoire antidatée. Il poussera le zèle jusqu'à vouloir interroger Mohammed ABBOU hors la présence de ses avocats, en refusant à ces derniers le droit d'assister à l'audience, et approuvera les violences physiques exercées par une centaines de flics et de nervis sur l'épouse de Me ABBOUl et des 50 avocats de la défense regroupés devant le bureau dudit juge. Le lendemain, il se rendra lui-même coupable d'agression physique, dans son bureau, sur la personne de Me Mohammed Najib Hosni, avocat de la défense, venu lui notifier que la direction de la prison, se moquant de l'autorisation réglementaire de visite, lui a dénié le droit de voir Mohammed ABBOU !!! Le 16 mars, jour de comparution de M. Abbou pour instruction, le même juge récidiva, toujours dans son bureau et en présence du premier substitut du procureur. Fort de la présence d’importantes forces de police à l’intérieur et à l’extérieur du palais de justice, il brutalisa et insulta le bâtonnier venu à la tête d’une délégation de cinq représentant du Conseil de l’ordre des avocats et du Comité de soutien, lui signifier la constitution de plus de 600 avocats, on parle même de plus de 800, pour la défense de Me ABBOU !

Que reprochent la police et la justice de la dictature à Me Mohammed ABBOU ?

Officiellement, il doit répondre de "publication et diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler l'ordre public", "outrage à la magistrature", "incitation de la population à enfreindre les lois du pays", "publication d'écrits de nature à troubler l'ordre public", pour avoir publié, il y a six mois, sur la liste de diffusion du site de référence de l'opposition tunisienne Tunisnews.net, un article critique intitulé "أبو غريب "العراق و"أبو غرائب تونس ", mettant en rapport le silence des tunisiens sur les tortures et la sauvagerie pénitentiaire dans leur propre pays, et leur indignation bruyante exprimée contre les exactions d'Abou Ghrib...
En vertu du code de la presse et du code pénal, il encourt une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans.

On s'accorde cependant à considérer que le régime du général Ben Ali en veut à Mohammed ABBOU pour avoir publié récemment sur le même site un autre article railleur qui, sous le titre " بن علي – شارون (Ben Ali-Sharon)" , compare le dictateur tunisien et le criminel de guerre sioniste... Extraits :

... Tous les deux sont militaires, experts dans la répression des intifada, en plus d'être en quête permanente de soutien international et d'avoir dans leur famille des membres trempés dans les délits de corruption financière. Et Me ABBOU d'ironiser sur la coopération attendue de l'invitation de Sharon : Israël pourrait nous envoyer des experts agronomes pour nous aider à réaliser une production agricole autosuffisante, et la Tunisie pourrait envoyer quelques uns de nos honorables juges contribuer à limiter le laxisme du système judiciaire israélien qui innocente de temps en temps des palestiniens non convaincus d'agression sur les personnes, contrairement à nos juges qui n'hésitent pas, eux, à condamner de jeunes tunisiens à 15 ans de prison simplement parce qu'ils ont projeté d'aller aider la résistance palestinienne. La Tunisie pourrait aussi rendre service à Sharon en sauvant son fils si Israël acceptait de confier à l'un de nos procureurs les fonctions de procureur chez eux. ... Les deux parties pourraient s'échanger également leurs techniques de torture...

Personne ne s'y trompe : dans le contexte de contestation générale de l'invitation de Sharon, c'est ce texte de lèse-majesté qui, de l'avis général, vaut à Mohammed ABBOU arrestation et inculpation. L'instruction ne fait que commencer. Et déjà la mobilisation est exceptionnellement forte.



Face à ces manifestations à la fois de résistance à l'avilissement de la justice, asservie à la police, et de dénonciation de l'invitation du criminel sioniste, le régime s'affole. C'est la fuite en avant, ...vers davantage d'intimidation, de diversion, d'arbitraire et de répression. Ainsi, quelques juges irréversiblement corrompus tentent, notamment au moyen d'une presse aux ordres, de désavouer l'ATM pour ses prises de positions relatées plus haut. Ici et là, on ferme et ou on encercle les universités. Et l'on sait que les forces de sécurité de la dictature, toutes en état d'alerte, ont réprimé avec une violence disproportionnée et injustifiée les tentatives de manifestations pacifiques, arrêté et soumis à la torture nombre de manifestants parmi les étudiants, ainsi que rapporté par le témoignage poignant de Me Abdelwaheb Maatar ( أنــــــــــا أتّهـــــــــم) , avant d'être condamnés, avec d'autres, par sa justice expéditive.
Quant à Mohammed ABBOU, et face à l'échéance du 15 mars, date retenue pour un rassemblement des avocats devant la prison civile de Tunis où leur confrère est détenu, les serviteurs de la dictature ont purement et simplement procédé, au mépris du texte et de l'esprit de la loi, à son transfert à la prison du Kef, à quelques ...180 km de Tunis. Par cette mesure illégale, les autorités cherchaient donc à décourager, en le rendant sans objet, le rassemblement des avocats du 15 mars devant la prison du 9 avril à Tunis. Elles visaient aussi, comme elle en a l’habitude, à isoler Mohammed ABBOU de sa famille et de ses avocats en rendant les visites quasi-impossibles en raison de la route, qu’on sait montagneuse et donc difficile, et compte tenu du fait que les autorisations de visite sont valables pour le jour même. Résultat : ni son épouse ni ses avocats n’ont pu voir Me Abbou, pas même le jour de sa comparution devant le juge d’instruction le 16 mars. De fait, on ne sait pas s’il avait été amené de sa prison du Kef pour l’occasion

Autant dire que la résistance démocratique est plus que jamais à l'ordre du jour. La solidarité aussi.

Dites la votre en signant le livre de solidarité (mis en ligne par le CPR) avec Mohammed ABBOU et l'Appel international pour sa libération

signer le livre d'or de Me Abbou signer l'Appel international




samedi, mars 19, 2005

هل كتب على المقاومة الديموقراطية أن تدور في حلقة مفرغة؟*

لا يبدو أن هناك ما يُعاب على تردّي المعنويات في أوضاع ما بعد الإنتخابات. ما تجدُر ملاحظته بالمقابل، و الحال هذه، هو أن مشاعر الإحباط في صفوف المقاومة الديموقراطية و حيرة أو ارتباك زعمائها قد تكون حالت دون الإنتباه إلى أن ” المبادرة الديموقراطية “ كانت بصدد ملأ الفراغ لحسابها و استقطاب اهتمام الإعلام حتى أن البعض من وجوه المعارضة الراديكالية أو المحسوبة عليها اندفعوا بحمية في ركبها
ليس مهما هنا أن تكون مكاسب ” المبادرة الديموقراطية “ مشبعة و سياسية، كما تُفاخر به،أو مفرغة و إعلامية. المهمّ انه خُيل لها أن مكاسبها هذه تسوِّغ لها المجاهرة بالعدوان الإستئصالي الذي يسكن إرادة العديد من مؤسسيها. لا بل ها هي تجاهر به باسم المعارضة الديموقراطية و التقدمية التي تدعي تمثيلها بالكامل

و اذ يعلم المرء أن الاستئصالية هي تحديدا عنوان سياسة الديكتاتورية التي يقولون بمعارضتها، و أن تبنّي الاستئصالية فلسفةً لبرنامجٍ انتخابي محسوب على المعارضة الديموقراطية لم يثر على ما يبدو حفيظة الناطقين الرسميين باسم هذه الأخيرة، بما شكّل عن قصد أو عن غير قصد تبريرا لنزعةِ الشقٍّ الداعي إلى الاكتفاء على الذات داخل حركة النهضة ، بل قل رسالة اقصاءٍ يُقرّبها من المصالحة بقدر ما يعزلها عن المعارضة ؛ وهو ما يزيد طين البلبلة بلّة، فانه يحق التساؤل : هل كُتب على المقاومة الديموقراطية أن تدور في حلقة مفرغة في مواجهة الدكتاتورية و الفتنة الاستئصالية ؟

المبادرة الديموقراطية : زيٌّ ديموقراطي لنزعة شمولية

كان القاضي مختار اليحياوي أول من فضح، دون تحديد المقصودين بكلامه، ما وصفها بعملية سطو** على الحركة الديموقراطية التونسية و لكنه أورد أقوالهم، مندّدًا بالذين "يحاولون دون جدوى، من خلالها إنعاش سياسة الاستئصال و الإقصاء كبرنامج مشترك، و الحال أنها في نهاية مطافها و لم يعد أحد يجهل النتائج المريعة التي قادت إليها “ 1
المحامي محمد نجيب حسني بدوره خصّ المسألة بنصّ مواجهةٍ صريح العنوان و البيان : " لا للتحريض على القتل"، طالب فيه المنظمات و الضمائر الديموقراطية و الوطنية، داخل البلاد و خارجها، بالتصدّي إلى عودة الاستئصالية من باب الدعاية السياسية. 2
هذا الخطر له اليوم في تونس قُبّة اسمُها المبادرة الديموقراطية، ائتلف لتأسيسها أصدقاءُ و اتباع محمد الشرفي مع بعض يتامى الشيوعية حول حزب التجديد؛ وهو حزب اثبت مرارا و تكرارا انه مؤهل فعلا لتجديد قابليّته الجنينيّة إلى ... الخنوع، بدءا من تذيُّـلِه في خدمة الحزب الشيوعي الفرنسي تحت الاستعمار، وصولا إلى تزكيته تعديل الدستور لفائدة بن علي و عائلته، مرورا بمساندته لـ....بن علي في انتخابات 89 ، 94 و 99

و لا محالة من أن التقاء الشيوعيين القدامى بالائيكيين الاستئصاليين على أرضية واحدة قد أوهم و ضلّل في مناخ و ظروف الانتخابات

ـ لان راية المبادرة الديموقراطية خدعت و لا شك، و استطاعت أن توظف في خدمة حملتها الانتخابية مشاعر الحرمان و نفاذ صبر العديد من النقابيين و المناضلين الذين ملوا الانتظار...

ـ لأنها استطاعت أن تملأ المشهد السياسي و الإعلامي الذي فرّطت لها فيه المعارضةُ الراديكالية و دعاةُ مقاطعة الانتخابات لضعف حالهم و تمزق شتاتهم فضلا عن محاصرتهم و تكالب أجهزة القمع عليهم

ـ لان الانتهازية و بخاصة إغراء الاضواء الاعلامية سرعان ما طغت على مبادئ بعض رموز المعارضة من الذين وضعوا قدما في حملة المبادرة الديموقراطية الانتخابية و احتفظوا بالآخر في المعارضة الراديكالية؛ حتّى أن سهام بن سدرين ذهبت لحدّ إعلان و مباركة "انتصارٍ" للمعارضة التونسية مُفتيةً بانضمام حزب التجديد و المبادرة الديموقراطية إلى قوى ا لمقاومة الديموقراطية على خطّ القطيعة مع النظام 3 و كأنها الناطقة الرسمية بسم هذه القوى و الحال أننا لا نعرف لها مشروعيةً أخلاقية أو سياسية تؤسّس عليها نفوذ خطابها

ـ لأن ارتباك بعض أطراف المعارضة و تورّط البعض الآخر و حرص الجميع على حساباتهم التكتيكية منذ الاستحواذ المشبوه على قيادة المجلس الوطني للحريات، و بخاصة في ظروف الانتخابات، فسح المجال لارادة الهيمنة على المعارضة التونسية من قبل تيار يساري و حقوق ـانساني اقصائئ

باختصار : لأن "محاصيل" ضمانتِها لديموقراطية المهزلة الانتخابية عبر ضجيج مشاركتها فيها ضخّمت من شأن المبادرة الديموقراطية فيما غفت قوى المقاومة حزينة مقهورة، ها هم دعاة الاستئصال و أنصار الشرفي يستبيحون كل شئ

فلقد جاهر البيان النهائي للندوة الوطنية لمبادرتهم الديموقراطية بما يلي
إن التجربة الثرية التي تخوضها المبادرة منذ بضعة أشهر مكنت من المساهمة في توضيح الرؤية تجاه ضرورة رفض أي وضع يتواجه فيه مداران أولهما النظام الحاكم و من يعمل معه من أحزاب و تنظيمات و غيرها و ثانيهما تنظيمات الإسلام السياسي و من يعمل معها من أحزاب و شخصيات و مجموعات. و جاءت المبادرة لترفض مثل هذا الوضع الذي يجعل الشعب و البلاد رهينة بين مشروعين استبداديين معاديين للحرية و المساواة و العدالة و الكرامة و من مكاسب المبادرة أن المعركة السياسية التي خاضتها بمناسبة الانتخابات جعلتها تبرز كمشروع جدي لقطب ديمقراطي بديل. 4

المحامون في لجنة المحامين النائبين أمام المحكمة العسكرية بتونس صائفة 1992 كانوا يقظين، لم يفتهم ما في هذا البيانمن تحريض و عدوان، حين غفل الكثيرون و يتغافل الآخرون، فاستحث محمد نجيب حسني باسمهم الهممَ الوطنية و الديموقراطية لاتخاذ موقف صارم2. و بالفعل، فالموقف لا يمكن أن يكون إلاّ صارما إزاء "دق طبول الحرب" و إزاء الطبالين من الذين لم تشف غليلهم مشاركتُهم في التحريض و التهليل، بل و بالتخطيط و التنفيذ من مواقع الحكم الدكتاتوري في وزارة الشرفي، في سياسة قمع الاسلاميين الرهيبة، فظلوا و ما زالوا يلاحقونهم بعدائهم المرضي دون أدنى اعتبار لمئات المعذبين منهم منذ 14 سنة في غياهب سجون الدكتاتورية
لا مكان في المعارضة "الديموقراطية و التقدمية" كما تُمارسها المبادرة الديموقراطية لأبشع تجليات هذه الدكتاتورية كما نشهدها بشكل مكثف في وضعية المساجين السياسيين ليس فقط في ظلام السجون بين مرض و عزل و تعذيب بل و حتى بعد إطلاق سراحهم،حيث تلاحقهم الهرسلة البوليسية و المُحرّمات الإدارية و المحاصرة الاجتماعية و المهنية، كما هو الحال الآن في وضعيّة عبد الله الزواري

هذا واقع ، كما يُذكّر بمأساويته نعيُ السجين السابق لطفي العيدودي ـ تقبل الله روحه برحمته الواسعة ـ الذي أودت بحياته تبعاتُ التعذيب عن سنّ لا يناهز الاربعين، تناسته المبادرة الديموقراطية لـتعلن بالحاح ان "تنظيمات الإسلام السياسي و من يحوم حولها من أحزاب و شخصيات و جمعيات" إن هم إلاّ أعداء " للحرية و المساواة و العدالة و الكرامة... " هكذا يأتون بمنطق شمولي مذهل ليس على الاسلاميين فقط بمساجينهم و منفييهم و عائلاتهم الممزقة...، بل حتى على غير الاسلاميين ممّن "عمل" معهم

"معاديةٌ للحرية... " المعارضةُ الديموقراطية التونسية التي تبنّت بإجماع شبه كامل قضية المساجين السياسيين ووضعت سن قانون عفو عام على راس مطالبها ؟ "معادون للحرية..." !!!؟
صدري الخياري و مناهضو العولمة الامبريالية، المنصف المرزوقي و المؤتمر من اجل الجمهورية، مختار اليحياوي، محمد نجيب حسني و الموقعون على النداء من اجل مقاطعة انتخابات2004 ، و كل حساسيات الرأي العام الوطني و الديموقراطي، الذين لم يستكينوا للأوامر و النزعات الإقصائية معترفين للإسلاميين بمكانتهم كاملة في معارضة الدكتاتورية؛ بدون إقصاء و بلا محاباة !!؟

أتمنى أن أكون على خطأ و أن لا يصدق تقييمي هذا . غير أن لسان حالهم يقول بوضوح ان تونس المناضلة برمتها ، ما عدى مبادرتهم الديموقراطية بطبيعة الحال، معادية للحرية...!
و هكذا، إذ ينضاف الغرورُ إلى حمّى كراهيتهم، تَسقط الاقنعة عن مبادرتهم الديموقراطية لتتجلى حقيقةُ نزعتها الشمولية

لأجل شرف تونس المناضلة يتعيّن على الوطنيين الشرفاء داخل المبادرة الديموقراطية معاكسةُ التطبيل و الطبّالين للحرب الاستئصالية، و الانتباهُ لما يباشره و يعِدّ له الناطقون باسمهم. فأنا لا أتخيل أن يوقّع على بيان العار هذا من كان وطنيا ، و ديموقراطيا و تقدميا

نحن أنفسنا كغيرنا

ضمن ردود الفعل على تبنّي الاقصاء و/أو الاستئصال خطّا سياسيا، نسمع أحيانا تعليقات تنزع عن الموضوع إشكاليته السياسية لتحِيله إلى متاهات التناحر الإيديولوجي. من ذلك أن بعض الآراء تأسف لانزلاق المبادرة الديموقراطية إلى منحدر الاقصائية إلا إنها سرعان ما تبرّره باعتباره حصيلة قسريَة لأدلجة النضال الديموقراطي ضد الدكتاتورية يتقاسم مسئوليتها الإسلاميون و شق معين من اليسار اللائكي
ورغم كثرة الإعتراضات التي تثيرها وجهة النظر هذه ، أوّلها أنه تضع الظالم و المظلوم على قدم المساواة ، لنسلم فرضا بأن المسالة ايديولوجية، و حينئذ يتوجّب علينا الانتباه إلى أن الاستئصالية ليست إيديولوجية كسائر الايديولوجيات. إنها شمولية في جوهرها، إذا ما استهدفت دينا أو ثقافة أو عرقا...، او مذهبا فكريا أو روحيا، فإنها تعني دائما عنفا كليا يُمارس على حق الآخر في الوجود. ايديولوجية اذن، و لكن ايديولوجية فاشيةُ الطابع لا تتواجد إلا من خلال العنف المادي و الرمزي الذي تسلّطه على كل ما هو مغاير لها. إنها ممارسةٌ سياسية تعرِفُ بنفس العلامة الشمولية كل المنظومات المغلقة

فكيف تخدعنا هذه السياسة، نحن الذين رأيناها تخطف الأعمار، تعذّب الأجساد، تشتّت العائلات، تقتل الشبيبة، تخنق الكفاءات...، بينما يبدع أعوانُها المختصون في "تجفيف المنابع" في إعادة صياغة ثقافتنا العربية و الإسلامية في شكل مُثيرات فلكلورية لفضول ... السوّاح!
و كيف تغرّر بنا "المبادرة الديموقراطية" وهي بعلم الجميع مرتعٌ للاقصائيين و موقعُ نفوذٍ لمحمد الشرفي، قديسُ الاستئصاليين بنفسه. ذلك أن خطابها المعارض للنظام الدكتاتوري مهما تجذّر لا ينفي و لا يلغي شراكتَها له و تورّطها معه بل و حتى المزايدة عليه أحيانا بالتحريض و الدفع إلى المزيد من الاستئصال فسخا و تنكّرا لمرجعيّاتنا الهويّاتية بوصفها أولى مقوّمات سيادتنا الوطنية

في ضوء هذة العلاقة التوافقية يتضح ان استئصال الاسلاميين ما هو في الأصل إلا آلية من آلياتِ سياسةٍ عامة تستهدف تمييع و مسخ هويتنا و روابطنا العربية و الاسلامية بما يتماشى مع سياسة التبعية للعدو و التفريط له في سيادتنا الوطنية. و عليه فان المسألة ليست ايديولوجية كما يقال. ليس المطروح أن تكون عربيا مسلما أو لائكيا، إسلاميا أو ديموقراطيا...، فلا معنى و لا فائدة ترجى من الانحباس في مثل هذه الثنائيات إلا لمن له مصلحة في إغراقنا في متاهاتها. المطروح هو أن نكون... أن نوجد كما نحن... وفقا لطبيعة الأشياء و أكبر الحقوق مشروعية. "نحن أنفسنا كغيرنا" يقول الفيلسوف. لا اكثر و لا اقل

فنحن لسنا اكثر من غيرنا أرواحا محلقة في سماء التجريديات، و لا مسافرين بدون متاع و لا ارتباطات. إننا كغيرنا قوم نعيش تاريخنا في نسيج فضائنا الوطني و الاجتماعي و الثقافي، ضمن علاقات الإنتاج و موازين القوى السياسية فيه. و هذا الفضاء عربي و إسلامي لا لان القوميين العرب و الإسلاميين جعلوا من عروبة تونس و/أو إسلامها محور أيديولوجياتهم و سياساتهم(5) و إنما لان هذه الهوية العربية و الإسلامية هي حصيلةٌ حاصلة نحتتها على مدى القرون صيرورةُ تركيبتها التاريخية. انها نتاج تاريخنا المتواصل. و بهذا المنظور فإن هويتنا ، لكي تبقى حية في مواكبة تحولات الزمن و تحدياته، في حاجة أكيدة إلى الإبداع المجدد و التطوري الموكول لكفاءات فنانينا و علمائنا و فلاسفتنا و ساستنا و صحا فيينا و مربيينا الخ. لا مناص لنا من نقد الذات و إصلاح الحال. فالهوية ليست متاعا للتبادل و لا رهينة النزواتُ الذاتية هنا و الخيارات الايديولوجية هناك. هويتنا هي هويتنا، لا مفر من الأخذ بها، إصلاحا لما فسد فيها، إذ بدونها لا وجود لنا. و لا يكفي خطاب بورقيبة المغرور بتغرّبه، و لا خطاب اطفاله و لقطائه من بعده، و نفيهم و استهانتهم بمقومات هويتنا العربية و الاسلامية، لينال من حقيقتها الغامرة. حتى الاستئصال الدموي الذي سلطوه على الجناح اليوسفي في حركة التحرير الوطني لم يغير من الأمر شيئا.
خطاب النفي و التنكر لهويتنا يكفي فقط للدلالة على ان الاستئصاليين من دعاة الهوية "المختارة" او الهوية_فسيفساء قد ارتدوا و "فلبوا الفيستة"، كما نقول بلغتنا الدارجة. و هذا شأنهم و حقهم. ما لا يحق لهم بالمطلق هو أن يحوّلوا هويتهم المختارة او الفسيفسائية إلى ممارسة تعادي بالنفي و الفعل و الشتيمة هوية عموم الشعب و الحال انهم تافهون جدا على هامش الشعب

عندما يطالب الاستئصاليون بـ"تنظيف" دستور البلاد من بندها الأول الذي ينص على عروبتها و إسلامها؛ أو عندما يحوّلون هنا أنشطة الدفاع عن حقوق الإنسان إلى عمل وشائي و تحريضي على قمع النساء المحجبات ، و إلى فبركة معاداة السامية لتعقّب و ملاحقة مناهضي الصهيونية هناك؛ أو عندما يشاركون بالشماتة و بالصمت المتواطئ إن لم يكن بالفعل الحثيث في العمل على التنكيل بأصوات و موارد المقاومة العربية و الإسلامية؛ أو يتحاملون بنفس شتيمة و عداء الجزار الصهيواامريكي على مقاومة اخواننا في فلسطين و العراق؛ او يخدموا بالسرّ و العلن مصالح العدوّ الصهيوني في التطبيع ...، في كل هذه الحالات يتعدّى الاستئصاليون حدود حرية الفكر و التعبير. انهم يمارسون بالفعل و بالخطاب سياسة عدوانية تنسخ سياسة الدكتاتورية، و تنتهج منطق الوصاية و الاحتقار، ممّا يزيد من وطأة افعالهم و اقوالهم على وجدان الشعب استباحة و استهتارا بمشاعره الهوياتية و بقيمه المؤسِسة. كل هذا و هم يدعون معارضة الدكتاتورية باسم الشعب و لفائدته

إن اضعف الإيمان بالشعب لا يملك إلا أن يقرّ بأننا لسنا اقلّ غيرةً من غيرنا على كرامتنا الوطنية، و لا اقل تمسكا بقيمنا و لا اقل استعدادا للدفاع عن هذه و تلك. إلا أنهم يتجنبون الموضوع معترضين و رافعين لشعارات "الحرية" و "الديموقراطية"، جاهلين أو متجاهلين أن الديموقراطية إنما هي حمايةٌ لحريات الفرد و لحقوق الاقليّات ضمن المجموعة الوطنية، و ليست الحرية تبولا على القيم الجامعة التي تجعل منا شعبا، و لا نيلا من تماسك و كرامة هذا الشعب، و لا تواطئا عليه مع أعدائه، بل إن العكس هو بالتحديد شرط الديموقراطية و جوهرها في كل مكان

أوردت نشرة الأخبار على قناة فرنسية خلال الأشهر القليلة الماضية صورا عن برلمانيين أوربيين جاءوا لبر وكسل للاستماع إلى تقرير من الفرنسي جون كلود تريشاي رئيس البنك المركزي الأوروبي. ما أن بدأ هذا الأخير خطابه بالانجليزية حتى بادر البرلمانيون الفرنسيون ، يمينيون و يساريون ، بالوقوف مغادرين القاعة كالرجل الواحد ، غير آبهين بتوسّلات السيد تريشاي إليهم بالرجوع. لقد أثار حفيظتهم أن يتحدث مسؤول فرنسي رفيع بالانجليزية و الحال ان الفرنسية لغة رسمية في الاتحاد الأوروبي، الشئ الذي اعتبروه إهانة لا تُقبل فنطقت كرامتُهم الوطنية برفضها

هذا هو المقصود : الكرامة الوطنية، الهوية الجماعية التي توحد و تدغدغ الوجدان المشترك، السيادة الوطنية... و كلها مشاعر طبيعية من أصل و في فطرة الشعوب عموما، و في وضعنا بشكل أخص لما نحن فيه من سحق و مذلة و إهانة تسلطها علينا الدكتاتورية من الداخل و الصهيوامبريالية من الخارج
بدون سيادة وطنية، تحت الهيمنة و في التنكر للذات، ليست الديموقراطية إلاّ احتيالا استعماريا جديدا.
بدون مقاومة تستلهم وجدان الشعب و تعبر عن سيادته و كرامته الوطنية ليس "النضال" في سبيل الديموقراطية إلاّ مغالطة خادعة...، مجرّد معارضة لبن علي تنافسُه على قدر من النفوذ على الأقل فيما يسمى بـ"المجتمع المدني"

حريّ إذن بالذين يسائلون الشعب التونسي عن "إرادتــه في الحياة" أو يمتعضون من "سلبيّتــه" أو يشتمون "جبنـه" أن يعيدوا النظر في الأمر : اوّلا بمسائلة أنفسهم عن سكوتهم الديبلوماسي إزاء عمليات الاقصاء و عدوان الاستئصاليين، من التحريض على النساء المحجبات إلي القدح في الاسلاميين والمتعاملين معهم مرورا بالانقلاب على القيادة الشرعبة للمجلس الوطني للحريات ؛ و ثانيا، بالإتعاض بأن الشعب ليس بهذا القدر من الغباء لينصت إلى معارضة و ليتحمس لديموقراطية تبدآن باحتقار قيمه و التنكّر لمرجعيّاته العربية و الاسلامية...
اـما يراد منا أن نكون الوحيدين في العالم الذين نقرن الديموقراطية بالتنكر للذات و بإهانة الشعب و بالتواطئ مع العدوّ ؟ أ يراد منا أن نكون الوحيدين الذين نسمّي "ديموقراطيين" من يسميهم الآخرون خونة و حركيين !!!؟؟

في أماكن أخرى، و بخاصة في فلسطين و لبنان، تنتظم المقاومة لتستجيب لإمرة المستحقات الوطنية التي تحسم، وحدها، التناقضات. هناك، تعلوا التطلعاتُ الى الحرية و السيادة و الكرامة الوطنية على الصراعات اسلامي/ لائكي، مسلم/مسيحي، سني/شيعي...، لتستوعبها في إطار وطني جامع تصبح فيه موارد غنية تغذي طاقات المقاومة

من هنا أعود و أقول بقناعة يزيد من موضوعيتها أنني لست إسلاميا، بل مناهضا لفكر و لسياسات التنظيمات الأصولية، اقول إن المعادلة اسلامي/لائكي خديعة و ليست مشكلة حقيقية
لا يهم أن نكون اسلاميين او لائكيين أو قوميين عرب أو إشتراكيين أو ليبيراليين أو ديموقراطيين إشتراكيين...! المهم أن نكون أنفسنا ، كما نحن ، أوفياء لشعبنا، كلنا حزم لاسترجاع حقوقه في المواطنة الديموقراطية في كنف الكرامة الوطنية. خارج هذا الاطار المبدئي، إطار مقاومة الدكتاتورية و سياساتها الموالية للامبريالية، لا مجال إلا للتصادم مع كل من يلعب بإمرة بن علي في ساحة مهازله التعددية و الانتخابية، مع كل من يشارك أو يقبل بسياساته الاستئصالية، مع كل من ينسخ أو يبارك تجند نظامه في خدمة التطبيع و مصالح العدوّ الصهيوني، اسلاميا كان أو لائيكيا

الكلمة الفاصلة في نهاية الأمر تبقى لمستحقات المقاومة الديموقراطية و الوطنية في مواجهة الدكتاتورية التي يجب أن تعلو على الاعتبارات الحزبية و الإيديولوجية ، على أن يتحمل المُخِلون بهذه الاستحقاقات من دعاة الانتقاء الاقصائي مسؤؤلياتهم، و على أن يثابر الملتزمون حقا بنفس تلك الاستحقاقات على العمل في سبيلها بلا تنازل و لا رضوخ لابتزاز الاقصائيين. طبعا، مثل هذا الثبات على الموقف يتطلّب التحرّر من الانغلاق النخبوي للخروج من عالم المعارضة المؤسساتي، حيث يمسك المعارضون الواحد بلحية الآخر، إلى نور الحقيقة المحرِرة في عالم الواقع الإجتماعي و الشعبي أين تُستنهل الطاقةُ و القوةُ و المشروعية الوحيدة التي يُعتد بها، من خلال مشاركة الشعب معاناته و الإصغاء إلى مشاكله و تفهم تناقضاته... بكل ما يفترضه الالتحام بالشعب من صبر و تواضع و وفاء

ليس مكتوبا على المقاومة الديموقراطية و الوطنية الدوران في حلقة مغلقة

المقاومة الوطنية و الديموقراطية تمتلك لهذا الغرض موارد ثمينة، متضمنة في "نداء" آكس6 و من بعده في نداء مقاطعة إنتخابات 2004. فلماذا ينبغي علينا إعادة بناء ما هو قائم، و لو في شكله الجزئي، و كأن المقاومة الديموقراطية ليس لديها تاريخا تستقي منه و لا محنا تعتبر بها و لا مكاسبا تعتد بها ؟
هنا تكمن كبرى اشكالات "الحوار الوطني" : لقد اصبح الحوار دورانا في حلقة مفرغة. ليس فقط لأنه طرح منفصم عن تجربةالماضي ، بدون أي تقييم لمحصلاتها سلبا و ايجابا ، بل أيضا لانه أصبح مفرّا يُهرب إليه تجنّبا للحسم في تناقضات المعارضة و تمييعا لها. و بالتالي فانه لا مخرج من الأزمة، حصل الحوار أم لم يحصل، ما لم يحسم كلّ موقفه و ما لم يحدد كلّ موقعه من التناقضات الكبرى. الحزم و الوضوح : هذا ما تحتاجه المقاومة الديموقراطية و الوطنية لأنها تمتلك فيما عدى ذلك رؤية تحررية محترمة لكرامتنا الوطنية كما تضمنها النداآن المذكوران آنفا، و قوى و كفاءات لائيكية و تقدمية و ديموقراطية و إسلامية...، حاملة لشعاراتها. كل ما تحتاجه الان هو ان تنفصل عن المعارضة المؤسساتية و الحقوقية لتشهر ماهيتها كمقاومة سياسية للدكتاتورية و كثقل مضاد للاستئصالية بتكتلها أولا و مثابرتها ثانيا على خط وطني (معيار سيادة القرار و الهوية) و ديموقراطي (كل الحريات الديموقراطية لكل الشعب التونسي


هذا النص تعريب حر للأصل الفرنسي المنشور هنا
*« la résistance démocratique est elle condamnée à tourner en rond »
** (OPA)

17 02 2005

..................................................................
(1)
Moktar Yahyaoui, Besoin d’espoir

(2)
لجنة المحامين النائبين أمام المحكمة العسكرية بتونس صائفة 1992: لا للتحريض على القتل

(3) L’opposition a gagné la bataille de la délégitimation contre Ben Ali

(4)
البيـان الختامي للندوة السياسية للمبادرة الديمقراطية

(5) ان ادلجة الهوية (التيارات القومية العربية) و الدين (الاسلام السياسي) ليست مشروعة و لا مبررة، قي رايي الشخصي، إلا بقدر ما تعبر عن مناهضة مشروعة جدا : مقاومة الهيمنة الاستعمارية المباشرة و الغير مباشرة. و اذا كان لا بد من التصدي للطابع العنصري و الاصولي الشمولي الذي يشوّهها في بعض الطروحات الفاشية، وهو بالفعل ما تتصدى له قوى العروبة و الإسلام الديموقراطية و التقدمية، فانه لا بد من الاقرار ايضا بان العنصر الاساسي و المحدد في شبكة التناقضات هذه يبقى الهيمنة الصهيوامبريالية و نقيضها المتمثل بالمقاومة. و ليس ثمة الا متعام او قابل خانع لواقع الهيمنة من امثال تجار حقوق الانسان الابيض و من حاذاهم من المغتربين المملوكين لايديواوجيات الغرب المهيمن، للتشهير بما سمّاه أحدهم "الهيجان الشعوبي و الهوياتي" حيث لا يرى الاحرار الا تعلق الشعوب بحقها في تقرير مصيرها...

(6)
اجتماع 23، 24 و 25 ماي 2003 La Baume-les-Aix Aix-en-Provence"نداء"

نداء المقاومة الديموقراطية للشعب التونسي : من أجل مقاطعة نشيطة'' لانتخابات'' 24 أكتوبر 2004





lundi, mars 14, 2005

Repose en paix, Zouheir

Stupeur et tristesse dans toute la Tunisie militante : opposant virulent à la dictature du général Zin Al-Abidine Ben Ali, qu’il avait surnommé ZABA, et figure emblématique de la cyberdissidence, Zouheir Yahyaoui, Ettounsi pour les internautes, dont le nom et le pseudo sont associés au site de e-résistance , qu'il avait construit dans la clandestinité depuis la Tunisie, s’est éteint le 13 mars des suites d’une crise cardiaque à …37 ans.
La responsabilité du régime tunisien n’en est pas moins engagée, ici comme dans tant d’autres cas tout aussi tragiques. Les 18 mois, à partir de juillet 2002 que Zouheir avait passés dans ses geôles, unanimement décrites comme des lieux d’anéantissement physique et moral effroyables, sa perméabilité toute humaine aux souffrances incommensurables de certains de ses co-détenus, islamistes condamnés depuis de longues années, ses trois grèves de la faim pour protester contre les conditions de sa détention, le décès de son père pendant son incarcération,…, tout cela l’a profondément affecté. Si bien que lorsqu’il bénéficia d’une remise en liberté conditionnelle le 18 nov 03, sa santé physique en était considérablement amoindrie...

Son cœur a lâché, mais jamais sa volonté. La torture, la prison, l'injustice, n'ont fait que renforcer encore son opposition déterminée à la dictature et ses serviteurs, sans rien leur concéder. لا صلح لا اعتراف لا تفاوض (ni conciliation ni reconnaissance ni négociation), avait-il coutume de dire. Malgré le harcèlement et l’acharnement vengeur sur sa famille, il continuait à ridiculiser ZABA et ses mafia par sa critique satirique et son verbe pénétrant à travers ses interventions sur son site « Tunezine » ; et à les défier en étant de toutes les manifestations de résistance à l’oppression et de solidarité avec les victimes de la répression…

Aujourd’hui, jour de ses obsèques, sa maman Madame Khadija Yahiaoui, a dit ses adieux à son fils en poussant un …youyou.

Hommages et recueillement.



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Lieu : Tunisia

Il est dans l’air du temps de s’identifier par sa qualité d’Homme. Moyennant quoi, bien des intellectuels arabes se détachent de leur appartenance identitaire, et trouvent même quelque gloire à dénigrer leur peuple… Je ne suis, moi, qu’un homme. Mon humanité n’est pas dans l’humanisme abstrait qui donne les hommes pour des sujets également dotés de droits inaliénables. Mon humanité est dans la réalité sensible des situations concrètes de révolte et de résistance de l’homme opprimé. Ici, je suis « un indigène de la république». Là-bas, je suis ouildbled : un enfant du pays, de mon peuple. Un peuple opprimé par une dictature d’autant plus féroce et humiliante qu’elle jouit du soutien des puissances occidentales et s’encanaille avec le sionisme. Ma singularité n’a de sens que référée et incluse dans le nous qui parle en moi et pour moi. Il n’est d’homme libre qu’appartenant à un peuple lui-même libre. Et il n’est d’humanisme universel qu’incarné dans les humanités particulières telles que vécues dans des conditions historiques données. Je suis arabe. Je suis musulman. Je suis résistant.