mercredi, décembre 29, 2004

A chacun ses convictions et « ses cris et chuchottements » !

Réaction à chaud à l' « l’Appel au débat » de Moncef Marzouki *

Désolé de dire, moi qui ai pour M. MARZOUKI une vraie estime, que ce texte est indigeste. Franchement, pour un « un appel au débat national », ça manque de hauteur et de lucidité pour un trop plein de suffisance et de prétention. Sans doute un effet de « la frustration généralisée » que Mr Marzouki attribue …aux autres.

-I-

« On se trompe d’adversaire, on crie, on se débat dans sa propre colère en croyant débattre avec l’autre. Il n’y a qu’à lire ce qui s’écrit sur le net tunisien pour mesurer le degré de cette frustration nationale et généralisée.. »

Ce jugement a sans doute quelques fondements objectifs. Je ne le discuterai pas en tant qu’il décrit la réalité. En revanche, la manière dont M. Marzouki se soustrait à tout çela, et le ton détaché dont il en parle, comme s’il était au dessus de la mêlée, sont parfaitement trompeurs.

illustration de nawaat.org Laissez moi vous rappeler Mr Marzouki que vous vous êtes dérobé au débat avec les forumiers de Nawaat, au mépris de la parole donnée, avant votre retour au pays. Dérobade incompréhensible, tout particulièrement pour les forumiers, dont je suis, qui apprécient et valorisent la fermeté de votre engagement et vos apports sur la question de la résistance à la dictature qui saigne notre peuple et notre pays. Si bien que je me demande et vous demande : qui, en l’occurrence, « se trompe d’adversaire » ?? … Quant à « la frustration », oui elle est générale, et il y a de quoi ! Ne l’êtes vous pas vous-même, frustré et même désemparé !?

Libre à vous, Monsieur, de choisir vos interlocuteurs. Mais quand on décide d’ignorer des citoyens qui résistent à la dictature en exerçant leur plein droit à la liberté d’expression de leurs opinions sur la nature et les voies de cette résistance, sans visa ni allégeance préalables à tel « patron » ou telle « baronne » de « l’opposition » ; quand on décide d’ignorer ou de marginaliser ou d’exclure ou de dénigrer ses contradicteurs sur tout ou partie de l’analyse de nos problèmes -ce sur quoi convergent tous les partis de l’opposition médiatiques, y compris le votre parfois malheureusement-, eh bien on est peu crédible ou trop plein de suffisance, comme vous voulez, pour interpeller chaque tunisien et chaque tunisienne ou appeler au débat national ! A moins..., à moins que votre appel ne s’adresse à « l’opposition » dont vous avez pourtant asséné maintes fois qu’elle n’est pas votre affaire, disant et affichant que votre affaire à vous c’est la résistance !!! Je ne vois pas autrement à qui vous vous adressez !

Voyez-vous, M. Marzouki, je suis de ceux qui ont cru et croient à la pertinence conceptuelle et à la promesse politique de cette idée de résistance. Et il n’est que juste que je vous sois reconnaissant entre autres de cet apport décisif à notre lutte. J’aurais seulement souhaité que le discours et les pratiques concordent. Or, je crains que votre résistance ne soit, du moins pour le moment, qu’une autre opposition. Une opposition radicale certes, mais une opposition quand même, plus animée par la volonté de pouvoir que par l’esprit de la résistance.

a- A afficher comme les autres mépris et, au mieux, méfiance envers les anonymes du net, prétexte foireux pour se soustraire à la confrontation idéologique et politique, ne participez vous pas de cette volonté de contrôle qui prétend réduire au suivisme, dans des réseaux de loyauté partisanes et personnelles, les sensibilités et les oppositions qui s’expriment sur le net ! La secrétaire générale de votre parti n’en est-elle pas venue carrément à contester leur « liberté » et à douter de leur opposition à la dictature, comme si celle-ci avait pour critère et corollaire obligés le soutien à « l’opposition » et à ses icônes !

b- Avez-vous jamais prêté l’oreille, Monsieur Marzouki, aux gens qui disent ne rien comprendre à « la société civile », n’avoir rien à faire de « la démocratie » ? Un ami me disait hier encore que tout cela c’est de la « politique » ! Et « la politique », c’est bien connu, c’est pas « pour nous ». C’est leur affaire, là-bas, à Tunis, les gens du pouvoir et les candidats au pouvoir ! Je sais, je sais… C’est des « lâches » et c’est des « cons »… Il se trouve que j’en suis un, de « lâche et de con ». Et je vous dis : rien, vous ne pouvez rien faire sans ces « lâches » et ces « cons »…


-II-

« Résumons - nous : Comment rassembler le peuple des citoyens de tendance islamistes ou laïques , éparpillés dans tous les partis illégaux ou autorisés , présents dans tous les échelons de l’administration , voire même de la police, pour initier des actions concrètes qui amèneront progressivement le pays à une solution à la Géorgienne ? »

a- Je ne suis pas preneur de ce « peuple de citoyens », ni conceptuellement : un peuple n’est pas réductible à une somme de citoyens ou, pour le dire autrement, une somme de citoyens ne forment pas nécessairement un peuple ; ni politiquement : l’exclusion de la masse qui ne serait pas consciente de sa citoyenneté est un pur produit de l’élitisme de nos élites. On y revient, aux « lâches » et aux « cons » ! Qu’avez vous fait Mr Marzouki de cette esquisse de projet de résistance où il était question comme vous le disiez vous même de se tourner vers la « société tout court » plutôt que de se focaliser sur une ainsi dite « société civile » ?

b- A se référer au peuple et à la société tout court, plutôt qu’à ces seules élites, êtes vous sûr que l’islamisme et le laicisme les divisent à ce point que ça en devient notre problème majeur : celui dont « il faut que le pays débatte », nous dites vous, Mr Marzouki, impératif ? N’est ce pas là plutôt le problème microcosmique « des élites » ? Sinon un faux problème, du moins une difficulté hypertrophiée qui aveugle sur les vrais problèmes sociaux, économiques, politiques, culturels, ainsi que ceux de notre monde arabe et musulman face aux menées criminelles des américano-sionistes et à la normalisation rampante …


Je ne sais pas de quel type sera la solution à notre problème. Je sais seulement que rien de décisif ne se fera sans l’écoute de notre peuple, de sa misère et de ses espérances, de ses fibres identitaires arabes et musulmanes, à travers des pratiques de résistance et de désobéissance y compris clandestines, autour d’objectifs de luttes concrètes et de thématiques revendicatives…

A chacun ses convictions et « ses cris et chuchottements ! »


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Lieu : Tunisia

Il est dans l’air du temps de s’identifier par sa qualité d’Homme. Moyennant quoi, bien des intellectuels arabes se détachent de leur appartenance identitaire, et trouvent même quelque gloire à dénigrer leur peuple… Je ne suis, moi, qu’un homme. Mon humanité n’est pas dans l’humanisme abstrait qui donne les hommes pour des sujets également dotés de droits inaliénables. Mon humanité est dans la réalité sensible des situations concrètes de révolte et de résistance de l’homme opprimé. Ici, je suis « un indigène de la république». Là-bas, je suis ouildbled : un enfant du pays, de mon peuple. Un peuple opprimé par une dictature d’autant plus féroce et humiliante qu’elle jouit du soutien des puissances occidentales et s’encanaille avec le sionisme. Ma singularité n’a de sens que référée et incluse dans le nous qui parle en moi et pour moi. Il n’est d’homme libre qu’appartenant à un peuple lui-même libre. Et il n’est d’humanisme universel qu’incarné dans les humanités particulières telles que vécues dans des conditions historiques données. Je suis arabe. Je suis musulman. Je suis résistant.