mardi, janvier 18, 2005
La résistance démocratique est-elle condamnée à tourner en rond ? *
L’amertume et la triste résignation qui ont suivi les élections de 2004 n’étaient que trop prévisibles. Il ne semble pas qu’il y ait à en redire. Il convient en revanche de constater que dans ce contexte, marqué par la démobilisation de l’opposition radicale et par le désarroi de ses chefs, on n’a pas vu, ou pas suffisamment réalisé, que l’activisme de « l’Initiative démocratique » (ID) occupait le terrain et s’accaparait l’intérêt médiatique. Au point de rallier, dans l’euphorie, le soutien de quelques figures de l’opposition radicale ou réputées telles.
Peu importe ici que les « acquis » de l’ID soient consistants et politiques, comme elle s’en enorgueillit, ou creux et seulement médiatiques. Le fait est qu’elle s’en est crue en mesure d’afficher la volonté éradicationniste qui habite nombre de ses fondateurs. Un éradicationnisme proclamé, de surcroît, au nom de l’opposition tunisienne « démocratique et progressiste » !
Quand on sait, d’une part, que l’éradicationnisme est très précisément la politique de la dictature à laquelle on dit s’opposer et, d’autre part, que tout cela ne semble pas émouvoir outre mesure « les voix autorisées » de l’opposition démocratique, confortant par là, consciemment ou non, une tendance assez nette, et de ce point de vue assez compréhensible, dans les rangs de Nahdha au repli sur soi et pour soi, l’on est en droit de se demander : face à la dictature et maintenant à la « fitna » (discorde) éradicationniste, la résistance démocratique est-elle condamnée à tourner en rond ?
1. ID : Le verni démocratique de la tentation totalitaire
C’est Moktar Yahyaoui qui, le premier, nous dénonçât en les citant mais sans les nommer, l’« OPA sur le mouvement démocratique tunisien… [de ceux qui] … tentent en vain de régénérer la politique de l’éradication et de l’exclusion en bout de chemin et aux résultats ahurissants que tout le monde connaît en programme commun. » (1) « Non à l’incitation au meurtre ! » (2) , titrait, plus récemment, Moammed Najib HOSNI, explicite et frontal, en en appelant solennellement, lui, aux organisations et consciences démocratiques et patriotiques, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, face à la résurgence de l’éradicationnisme laïciste et doctrinaire.
Ce danger a aujourd’hui un nom et une chapelle : l’Initiative démocratique (ID), constituée à la faveur du regroupement des amis et disciples de M. Charfi et de quelques piteux orphelins du communisme autour d’un « parti Ettajdid » ( renouvellement ou rénovation) dont on a pu vérifier, pour la énième fois, à l’occasion de l’opportunité pour lui des dernières élections, qu’il est doué en effet de fonctions vivaces de « renouvellement » des dispositions congénitales du Parti Communiste qu’il était à … la compromission, de son embrigadement au P.C. Français, sous le colonialisme, à son soutien constant au régime, jusque-là, notamment à travers son ralliement à la candidature de …Ben Ali lors des scrutins de 1989, 1994 et 1999…
En se donnant la main, les vieux communistes de Ettajdid et les laïcistes-éradicationnistes ont sans doute pu faire illusion dans le contexte particulier des élections.
- Parce que la bannière de l’ID a pu abuser et instrumenter les frustrations et l’impatience de nombre de militants et de syndicalistes qui n’en peuvent plus de subir et d’attendre;
- parce qu’elle a pu occuper le terrain médiatique que la faiblesse du boycott et les failles de l’opposition radicale lui ont abandonné d’autant plus facilement que la dictature a bien évidemment déployé ses dispositifs de verrouillages et d’intimidation autour des partisans du boycott ;
- parce que l’opportunisme, excité par l’appât médiatique justement, a vite triomphé des « principes » de certaines figures de l’opposition qui ont mis un pied dans la participation avec l’ID et gardé l’autre dans l’opposition radicale avec le boycott, Sihem Bensedirine allant même jusqu’à proclamer « une victoire » de l’opposition, décrétant dans la foulée, sans que l’on sache au nom de qui, ni sur quelle légitimité morale ou politique elle fonde l’autorité de son discours, que Ettajdid et son ID comptent désormais parmi les forces de la résistance ! ;
- parce que depuis la destitution douteuse et à motivation sectaire de la direction du CNLT, et plus encore dans le contexte de dépression générale des élections, le désarroi des uns, la compromission des autres et les calculs tactiques de tout le monde, ont laissé faire et laissé dire les prétendants à l’hégémonie sur l’opposition démocratique d’une certaine gauche exclusive et droits-de-l’hommiste ;
- bref, parce « les avantages » de sa participation-caution à la mascarade électorale ont « fait mousser » l’ID cependant que les forces de la résistance s’assoupissaient dans la déception et la démobilisation dépressive, voilà qu’ils reprennent du poil de la bête et se croient tout permis, les Charfi et consorts !
« … L’I.D est parvenue en particulier à remettre les choses au point en affirmant avec clarté que le rejet sans concession de tous les projets despotiques, quelle qu’en soit la référence, constituait un élément non seulement du programme, mais de l’identité même du mouvement démocratique tunisien. La riche expérience des derniers mois a ainsi permis de montrer la possibilité, sur le terrain, de rejeter toute situation de bipolarité entre d’un côté le pouvoir et ceux qui gravitent autour de lui et de l’autre les organisations et groupes de l’Islam politique et ceux qui gravitent autour d’eux. L’I.D a affirmé avec force son refus d’admettre que le peuple et le pays soient pris en tenaille entre deux despotismes ennemis de la liberté, de l’égalité, de la justice et de la dignité. » (3)
Il faut savoir gré à Me Mohammed Nejib HOSNI et ses camarades du Comité des avocats au procès de 1992 d’être restés en éveil en ces temps de somnolence troublée. Et d’avoir sonné l’alerte qui convient pour secouer les consciences blasées, démobilisées, fatiguées ou distraites, en appelant à adopter une « position tranchée ». Et en effet elle ne peut être que tranchée face aux va-t-en-guerre qui, non contents d’avoir contribué, y compris aux postes du pouvoir de la dictature dans le ministère de Charfi, à la justification idéologique et à l’organisation politique de la terrible répression des islamistes, n’en finissent pas de les poursuivre de leur haine pathologique, sans même un égard pour ceux qui sont livrés, depuis plus de 14 ans maintenant, à la mort lente dans les cachots de la dictature.
Tout cela, la déclaration de l’ID l'ignore. En revanche, elle prend bien soin de proclamer, et « avec force …que l’Islam politique et ceux qui gravitent autour de lui.. [sont].. des ennemis de la liberté… » Autant dire que tout y passe, à la louche d’un totalitarisme qui ne s’encombre pas de détails : non seulement les islamistes quel qu’en soit le statut donc : prisonniers, exilés, harcelés et sous résidence surveillée, familles déchirées…, mais aussi « ceux qui gravitent autour d’eux », sont déclarés rien moins que « ennemis de la liberté, de l’égalité, de la justice et de la dignité » !!!
« Ennemis de la liberté… » l’opposition démocratique tunisienne qui, quasi-unanime, porte la revendication de l’amnistie générale des prisonniers politiques ?!!
« Ennemis de la liberté… » tout le courant d’opinion, Sadri Khiari et les militants d’Attac, le CPR et Moncef Marzouki, Mokthar Yahyaoui, Mohammed Najib Hosni, les signataires de l’Appel aux Boycott des élections 2004 et tant d’autres, qui ne cèdent pas à l’injonction exclusionniste et reconnaissent aux islamistes leur pleine place dans l’opposition à la dictature, sans exclusive mais sans complaisance ?!!
Je voudrais tant me savoir dans l’erreur, et être démenti. Mais force est de constater que quels que soient les désignés par la formule « ceux qui gravitent autour d’eux », c’est toujours toute la Tunisie militante ou quasiment, moins l’ID bien entendu, qui serait « ennemie de la liberté… ». Le délire mégalomaniaque s’ajoutant ainsi à la fièvre haineuse font tomber le masque : derrière la fausse initiative démocratique perce une vraie tentation totalitaire.
Pour l’honneur de la Tunisie militante, il appartient aux militants intègres au sein de l’ID de disqualifier les va-t-en-guerre, et de prendre garde à ce que leurs portes-paroles entreprennent en leur nom. Je peine à croire que des patriotes, démocrates et progressistes qui plus est, aient pu signer cette déclaration de la honte s’ils avaient eu à la signer individuellement !
2. « Soi-même comme un autre » !
D’autres compatriotes tendent, le plus souvent de bonne plutôt que de mauvaise foi, à déplacer le problème en décriant là un effet regrettable mais somme toute inévitable de l’idéologisation à outrance, selon eux, par les islamistes comme par certains laïcs, de notre combat contre la dictature.
Même s’il y a beaucoup à objecter à cette vue, et d’abord qu’elle renvoie imperceptiblement dos à dos le juste et l’injuste, le démocratique et l’anti-démocratique, admettons ! Mais alors prenons garde à ce que l’éradicationnisme n’est pas une idéologie comme une autre. Il est d’essence totalitaire. Qu’il vise une religion, une culture, une ethnie…, ou un courant de pensée, c’est toujours une violence totale qui s’exerce sur le droit de l’autre à être.
Idéologie, soit ! Mais une idéologie à empreinte fasciste, qui n’existe que dans et par la violence physique et symbolique contre ce qui n’est pas elle. C’est une pratique, une politique, qui identifie d’une même frappe totalitaire tous les intégrismes !
Comment nous y tromper, nous qui l’avions vue, cette politique, et la voyons toujours happer tant de vies, torturer tant de corps, briser tant de familles, assassiner tant de jeunesse, tuer tant de compétences…, cependant que ses spécialistes de « l’assèchement de ses sources » s’acharnent à remodeler notre culture arabe et musulmane en gadgets folkloriques pour …touristes ! Et comment se fier à l’ID, vu l’influence qu’y exerce le charfisme et la place qu’y occupe Charfi, le pape de l’éradicationnisme en personne ! Car tout opposée à la dictature qu’elle le dit, l’ID n’en est pas moins sa complice et sa partenaire, étant donné qu’elle abrite des forces de pression et d’incitation frisant parfois la surenchère à davantage d’éradicationnisme pour davantage de désarabisation et de désislamisation de nos filiations identitaires… !
En mettant ce lien en évidence, l’on voit bien que l’éradication des islamistes n’est finalement qu’un rouage particulier dans le dispositif général de négation des attributs de notre identité, qui sied à la politique d’abdication sur notre souveraineté nationale. Là est le point de collusion avec la dictature. Il s’en suit que la question n’est pas, comme on le répète à satiété, idéologique. Il ne s’agit pas d’être « arabo-musulman » ou laïc, islamiste ou démocrate… : il n’y a pas de sens à s’enfermer dans ces couples infernaux, sauf pour ceux qui ont intérêt à nous y piéger pour nous détourner de l’essentiel. Car il ne s’agit, en réalité, que d’être soi-même, d’exister pour ce qu’on est, le plus normalement et le plus légitimement du monde. « Soi-même comme un autre », disait le philosophe. Ni plus ni moins.
Pas plus que les autres nous ne sommes des esprits flottant dans l’abstrait ou des voyageurs sans bagages ni attaches. Comme les autres, nous sommes des gens historiquement situés dans le tissu socioculturel et dans les rapports sociaux et politiques de notre espace d’appartenance nationale, arabe et musulman en l’occurrence. Arabe et musulman non pas par les « ismes » de l’arabisme et de l’islamisme qu’on lui accole (4), mais de par le processus multi-séculaire de formation historique qui a modelé, touche après touche, l’identité arabe et musulmane de notre peuple. Ses traits identitaires sont le produit sculptural de notre histoire continue. Et en tant que tel il a assurément besoin, pour rester présent aux temps qui changent et aux réalités du monde, du travail adaptateur et rénovateur de nos artistes, scientifiques, philosophes, politiques, journalistes, médecins, éducateurs, etc. Mais l’identité nationale n’est pas, en tant que produit de l’histoire, et ne peut être un objet interchangeable, décidable au gré des options idéologiques et subjectivistes des uns et des autres. Elle est ce qu’elle est, à assumer comme elle est, non seulement pour pouvoir la réformer mais, surtout, parce que sans elle on n’est rien. Et il ne suffit pas du discours négationniste du mégalomane Bourguiba, et de ses enfants et bâtards après lui, pour changer si peu que ce soit à sa réalité massive. Même l’éradication sanglante de l’aile youssfiste du mouvement de libération nationale n’y a rien fait.
Le discours négationniste suffit seulement à indiquer que les éradicationnistes et autres adeptes de « l’identité choisie » ou de la « tunisianité » mosaïque ont tourné casaque. Et c’est leur bon droit. Ce qui ne l’est pas, en aucun cas et d’aucune manière, c’est la transformation de leur très particulière et très insignifiante identité choisie ou mosaïque au regard de l’identité communautaire qui nous fait peuple, en négation activiste de celle-ci. Quand ils réclament le « nettoyage » de la constitution du pays de la mention de son arabité et de l’islam, sa religion, (article I), ou qu’ils transforment la défense des droits de l’homme, ici en délation haineuse et incitative à la répression des femmes tunisiennes voilées, et là en pistage d’un antisémitisme et d’un révisionnisme fantasmés ; ou qu’ils contribuent par la délectation et le silence complice, si ce n’est par la participation active, à l’éradication des voix et des ressources de l’arabité et de l’islam résistant ; ou qu’ils dénigrent autant que le Busher et son Charoniard la résistance de nos frères palestiniens et irakiens, ou qu’ils servent les intérêt de la sionisation rampante de notre pays…, dans tous ces cas, ils ne font pas que croire et opiner. Ils font, par le dire et par l’agir, une politique qui copie celle de la dictature et, la faisant, ils heurtent d’autant plus les affects du peuple et se moquent de ses valeurs constitutives lors même qu’ils prétendent le guider sur les chemins de la liberté.
Or, ce peuple n’est pas moins jaloux que n’importe quel autre peuple de sa dignité, pas moins attaché à ses valeurs, pas moins disposé à les défendre. « Liberté ! démocratie ! », objecte t-on. Mais la démocratie, c’est la protection des libertés de l’individu et des droits des minorités dans le collectif. Nulle part elle n’est la liberté des individus de pisser sur les valeurs constitutives du collectif, d’attenter à sa cohésion et à sa dignité ou de servir ses ennemis. C’est même le contraire qui est partout la norme et l’essence de la démocratie.
Les informations télévisées montraient l’autre jour une réunion européenne où des députés nationaux étaient venus à Bruxelles écouter un exposé du français Jean-Claude Trichet, Président de la Banque Centrale Européenne. Lorsque M. Trichet, qui parlait en anglais, a commencé son discours, instantanément, d’un seul mouvement, les parlementaires français, de gauche et de droite, se sont levés et ont …quitté la salle, sourds aux appels confus de M. Trichet les suppliant de revenir… Ils n’acceptaient pas l’humiliation qu’ils ressentaient à voir un responsable français parler anglais lors même que le français est une langue officielle de l’UE. Leur fierté nationale a parlé.
Et c’est bien de cela qu’il s’agit en tout premier lieu : de fierté nationale, d’identité qui fait vibrer et partager, de souveraineté nationale, de patriotisme…; à plus forte raison dans notre cas, écrasés que nous sommes à l’intérieur par la dictature, et humiliés à l’extérieur par la puissance rapace de l’impérialo-sionisme. Sans souveraineté nationale ; sous domination et dans le reniement de soi, la démocratie n’est qu’une belle escroquerie néo-coloniale. Sans une résistance adossée aux affects identitaires du peuple et expressive de sa souveraineté, la lutte pour la démocratie n’est qu’une imposture…: rien qu’une opposition à Ben Ali qui lui dispute une part du pouvoir, du moins dans ce qu’on appelle « la société civile ».
Ceux qui s’interrogent sur « la volonté de vivre » du peuple, s’agacent de sa « passivité » ou en veulent à sa « lâcheté », devraient plutôt y regarder de plus près : le peuple n’est peut-être pas si imbécile pour entendre une opposition et s’enthousiasmer pour une démocratie qui commencent par lui dénier ses valeurs et ses filiations identitaires… Et pourquoi serions nous, bon sang ! les seuls au monde à donner à la démocratie valeur de reniement de soi, d’humiliation du peuple, de compromission avec l’ennemi, et à appeler « démocrates » ce que ailleurs on appelle traîtres et collabo. ?!
Ailleurs, on le sait et on le voit, la résistance –notamment en Palestine et au Liban- s’articule et répond à l’impératif patriotique qui, seul, tranche les camps. L’aspiration à l’émancipation et à la souveraineté nationale transcende les contradictions islamistes/laïcs, musulmans/chrétiens, sunnites/chiites…et, les transcendant, les transforment en richesse qui fortifie le potentiel de la résistance. Autant redire, et je le redis d’autant plus sereinement que je ne suis pas islamiste : l’opposition islamistes / laïcs est un piège, non un problème !
Islamistes, laïcs, nationalistes arabes, socialistes, libéraux, sociaux démocrates…, qu’importe ! Le tout est que nous soyons tous nous-mêmes, également loyaux à notre peuple et également fermes sur ses droits à la démocratie citoyenne dans la dignité nationale. Hors le cadre de principe de résistance à la dictature et à son ralliement aux intérêts de l’impérialisme conquérant, s’impose l’antagonisme avec ceux qui jouent dans la cour de Ben Ali aux mascarades de son pluralisme et de ses élections, soutiennent ou s’accommodent de sa politique d’éradication, copient ou versent dans sa politique de normalisation avec l’ennemi sioniste, quelles que soient par ailleurs leurs couleurs idéologiques ou partisanes : islamistes ou pas islamistes, laïcs ou pas laïcs…
3. Nous ne sommes pas condamnés à tourner en rond !
Au total, c’est l’impératif démocratique et patriotique de la résistance à la dictature qui doit primer sur la coloration idéologique, charges à ceux qui veulent y pratiquer l’exclusivisme d’en assumer la responsabilité, et à ceux qui y souscrivent de persévérer sans rien concéder à ce qu’il faut bien appeler le chantage des premiers. Evidemment, cela ne va pas sans s’affranchir du préjugé élitiste pour sortir du monde clos d’une opposition, où l’on joue à « je te tiens, tu me tiens par la barbichette », vers la vérité libératrice de la société et de son peuple réel. Eprouver ses misères, écouter ses problèmes, comprendre ses contradictions, patiemment, humblement, loyalement, pour y puiser la seule énergie et la seule légitimité qui vaillent.
La résistance démocratique et patriotique dispose pour ce faire des acquis de la plate-forme issue de travaux de la réunion d’Aix(5) et de l’appel au boycott des élections 2004 (6). Ces précieux matériaux suffisent à élaborer un projet national unificateur. Pourquoi donc faut-il refaire, à nouveaux frais, ce qui est déjà construit, au moins en partie, au mépris du travail et des efforts consenties à cet effet ? Là réside l’essentiel des difficultés du « débat national » : on tourne en rond. Et on tournera en rond, avec ou sans débat national, aussi longtemps qu'on n'est pas résolu à trancher enfin les grandes contradictions, et à se positionner clairement et fermement. Car non seulement il existe dans les appels ci-haut citées une vision partagée d’émancipation conforme à notre dignité nationales, mais encore : les forces et les compétences, laïques, progressistes, islamistes, qui portent cette vision existent aussi. Elles ont seulement besoin de se démarquer de l’opposition médiatique et droit-de-l’hommiste, de faire contre-poids à l’éradicationnisme, en se reconnaissant et en se regroupant pour persévérer sur les seuls critères démocratiques (toutes les libertés démocratiques pour tout le peuple tunisien) et patriotiques (affirmation de notre souveraineté nationale).
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Notes :
(*) une version en arabe de ce texte est à l'étude.
(1) Moktar Yahyaoui,Besoin d’espoir
(2) لجنة المحامين النائبين أمام المحكمة العسكرية بتونس صائفة 1992 لا للتحريض على القتل
(4) L’islamisme et l’arabisme ne se justifient, à mon humble avis, que comme expressions de la très légitime résistance à la domination dans ses formes coloniales directes ou indirectes. Les relents racistes et intégristes qui les pervertissent dans certaines versions effectivement fascisantes sont évidemment à combattre ; et de fait ils sont combattus de l’intérieur même de l 'Islam et de l’arabité démocratiques et progressistes. Mais cela ne doit pas faire oublier que le fait principal et déterminant dans ce complexe de contradictions est la domination impérialiste et sioniste. Ce n’est que par aveuglement si ce n’est par franche acceptation de la réalité de cette domination, que les commerciaux des droits de l’homme-blanc et autres aliénés aux idéologies de l’occident hégémonique crient à « la déferlante populiste et identitariste » là où il ne s’agit principalement que du droit sacré et consacré des peuples à disposer d’eux mêmes…
(5) Réunion du 23, 24 et 25 mai 2003 à La Baume-les-Aix Appel
(6) L’appel de la résistance démocratique au peuple tunisien Pour le boycott actif des élections du 24 octobre